Dix ans plus tard.
Des bruits de
pas précipités dans l’escalier de bois grinçant, un jeune garçon sauta à la
troisième marche de la fin pour atterrir avec souplesse sur le sol. La voix de
son père retentit alors.
_ « Axel dépêche toi, vous allez
être en retard ! »
_ « Oui oui ! » Répondit le jeune en soupirant presque.
Il enfila à la
va vite des bottes marrons et se leva en mettant son sac sur le dos.
_ « J’suis prêt ! »
_ « À ce soir ! » Fit la voix de Julia depuis la cuisine.
Les deux
adolescents sortirent de la chaumière puis se mirent à courir pour ne pas rater
la cloche du collège. Ils étaient réellement en retard en fait…
_ « C’est rare que tu sois aussi
pressé, tu as cours d’escrime ? » Demanda Nala entre deux inspirations pour reprendre son souffle.
_ « Ouais. » Répliqua le garçon en accélérant l’allure
pour garder les devants sur son amie.
C’était tout lui
ça, il fallait toujours qu’il soit supérieur sous prétexte qu’il était un
garçon ! Cela ne dérangeait pas la demoiselle, qui le trouvait plutôt
ridicule dans ces moments d’ailleurs.
Axel était
plutôt grand pour son age. Il avait une carrure de futur chevalier, le métier
qu’il voulait faire plus tard. Depuis tout petit, son père lui apprenait
différentes parades et techniques pour qu’il soit et reste le premier de sa
classe en escrime. Inutile de préciser que le garçon en était plus que fier, et
qu’il n’hésitait pas à montrer aux autres son expériences durant les cours. Il
avait des cheveux mi-longs, bruns foncés avec beaucoup de mèches rebelles qui
partaient dans tous les sens, y comprit sur le devant de son visage. De grands
yeux noisette bougeaient dans tous les sens, aussi vif que ceux d’un oiseau. Il
possédait également un visage toujours confiant, franc, lisse, jeune, et facile
aux sourires.
_ « T’as quoi toi ? » Demanda t-il en tournant la tête vers son
amie.
Nala avait une
longue chevelure chatoyante et ondulée, possédant des reflets luisants sur sa
belle couleur rousse. Ils semblaient toujours propres mais sauvages. Sa plus
grande fierté résidait dans ses profonds et magnifiques iris émeraude, qui
avaient la particularité de trahir la plupart de ses émotions et expressions à
travers sa peau blanche et lisse. Ses fines lèvres étaient souvent entrouvertes
pour laisser découvrir une partie de ses dents blanches. Elle était plutôt
petite, mince et fragile et son charme timide plaisait aux regards extérieurs.
_ « Histoire, c’est le seul jour où
ma place est proche de celle de la garce. » Répondit-elle en ralentissant l’allure
devant l’apparition d’une grande bâtisse. Personne dans la cours, les élèves
devaient êtres déjà tous rentrés. À gauche, des bruits et des cris de garçons
se faisaient entendre.
_ « Si elle t’embête encore… dis le
moi. » Fis Axel en
se dirigeant vers les silhouettes actives du cours d’escrime déjà commencé.
_ « À ce midi. » Lâcha Nala en prenant la direction
opposée vers la porte d’entrée.
Elle traversa le
couloir d’une marche rapide, puis s’arrêta devant une salle fermée où résonnait
la voix d’un professeur. Elle remit ses cheveux en place, s’éclaircit la voix,
puis toqua.
_ « Entrez. » Fit la voix.
La demoiselle
abaissa la poignée puis rentra dans la pièce sous les regards de ses camarades.
Elle détestait être regardée ainsi… D’autant plus qu’elle entendit des rires
provenant de quelques personnes.
_ « Bonjour, pardon d’être en
retard. » Risqua t-elle en levant les yeux vers
l’adulte. Ce dernier lui ordonna d’un simple geste d’aller s’asseoir puis
reprit ses explications. La seule place qui restait de libre se trouvait près
de la fenêtre, chouette ! Mais l’enthousiasme de Nala s’estompa
lorsqu’elle remarqua la garce assise juste derrière. Elle lui adressait un
grand sourire mesquin, heureuse de retrouver une de ses souffres douleur.
_ « Et alors, on ne dit plus bonjour ? »
Murmura t-elle en
regardant Nala s’asseoir.
_ « Bonjour Clothilde… » Répondit cette dernière sans lui adresser
un regard. Des rires discrets fusèrent dans son dos, et la peste se moquait
déjà d’elle avec sa bande ! Enfin là ce n’était pas trop ennuyant, mais ça
le devenait plus lorsque la bande était au complet, avec les gros baraqués qui
suivaient Clothilde comme des petits chiens. Surtout Edmond, son ‘bras droit’. C’était un grand sans cervelle, qui avait
redoublé déjà deux fois pour finalement arriver en troisième. Axel et Nala quant à eux étaient en
cinquième. Le dos contre la fenêtre pour
avoir à l’œil les écrits du tableau et les agissements de son ennemie, notre demoiselle
écrivit les notes à prendre… La raison pour laquelle les deux adolescents
étaient devenu des cibles de la bande de Clothilde, c’est parce qu’ils avaient
volé au secours de leur souffre douleur favori en sixième, Matthéo. Ce dernier
était devenu leur meilleur ami, et ils subissaient à trois les blagues idiotes
de gamins idiots. Espérons que du coté
des garçons ça se passe mieux…
…
_ « En trois coups ! »
_ « T’es pas un peu vaniteux
là ? »
_ « On parie ? »
Axel arborait un
sourire fier et un air défieur. Son épée d’exercice brandie devant lui, il
attendait que son ami accepte. Lorsque ce dernier poussa un soupir de
résignation, le garçon lui bondit dessus avant de lui asséner un coup sur la
jambe droite, puis de remonter aussitôt aux côtes gauches, et enfin il le
poussa en arrière en donnant un coup de manche sur la trempe de sa victime.
Matthéo tomba au sol en poussant un cri de douleur.
_ « Il faut désarmer l’adversaire,
pas le faire tomber ! » Retentit
la voix de leur entraîneur.
Axel laissa échapper un ‘ah’ et donna un coup de pied dans l’arme de son ami
pour la faire voler quelques mètres plus loin.
_ « Tu vois ? » Fit-il d’un air triomphant, en
s’abaissant pour aider Matthéo à se relever.
_ « C’est toujours la même chose
avec toi, pourquoi tu te déchaîne tout le temps sur moi ? » Demanda
ce dernier sur le ton de la plainte.
D’un revers de
la main il dégagea ses longs cheveux blonds qui lui tombaient sur le visage,
puis réajusta sa veste. Il était moins grand et plus fin qu’Axel, et ses
muscles étaient peu visibles. De nature plus discrète, il possédait de
magnifiques yeux bleus. Mais cette particularité provenait de sa famille, le
clan Eyen.
_ « Parce que y’a que moi qu’ai le
droit de te battre ! » Répliqua le futur chevalier en se
remettant en garde.
_ « Alors les petits, on joue aux
petits soldats ? »
Reconnaissant la
voix enraillée, Axel fit volte face pour dévisager Edmond. Les cinquième B et
troisième C prenaient leurs cours d’escrime en même temps, et il n’était pas
difficile d’échapper à la surveillance de l’enseignant dans le brouhaha et le
désordre des activités.
_ « Pousse toi Edmond, tu nous fais
de l’ombre ! » Lança
Axel en toisant celui qui avait atteint ses dix-huit ans il y a peu. Ce dernier lâcha un ‘vous avez vu ça’ à ses
‘potes’ et éclata de rire en même temps qu’eux. Il leva ensuite son arme et s’écria
fièrement.
_ « Viens te battre si t’es un
homme ! »
L’adolescent
s’avança inconsciemment vers le grand, prêt à accepter mais Matthéo l’arrêta.
_ « Ca va pas ?! Il va te
broyer ! »
Des rires
fusèrent à nouveau, et Edmond regarda les deux amis avec mépris.
_ « Mauviettes. » leur lança t-il avant de se tourner pour
retourner à son cours. Il allait partir en se moquant, lorsqu’un caillou le
toucha à l’épaule. Se retournant, il aperçut Axel qui lui en lançait un autre
tout en repoussant Matthéo qui essayait de l’en empêcher.
_ « J’suis pas une
mauviette ! » Fit l’adolescent en se mettant en position de
combat après que le troisième ait évité la deuxième pierre.
Edmond laissa un
‘pfeuh’ s’échapper. Il mit son épée devant lui et l’autre main dans son dos.
_ « D’une main je te massacre,
minus ! »
_ « Axel arrête ! »
_ « Matt, écarte toi… »
Le cinquième
attaqua le premier, courant pour prendre de l’élan. Voulant faire une
estafilade sur les jambes de son adversaire, il vit son attaque parée par
l’arme de ce dernier, et se prit le genoux d’Edmond dans la figure. Reculant
sous le choc, il sentit du sang s’écouler de son nez. L’adolescent réattaqua
l’ennemi au sourire insolent, puis il tenta de le ruer de coups. Toutes ses
attaques étaient parées, et le garçon dut se baisser pour éviter de justesse le
bois qui passait à l’horizontal au dessus de sa tête. Il se redressa aussitôt
et tenta une attaque en diagonale, du bas vers le haut. Edmond la para sans
problème, mais il ne vit pas venir le pied d’Axel qui se logea… Où il ne
fallait pas.
_ « Arrg… » Gémit-il en se pliant en deux, lâchant
son arme sous la douleur.
Voyant que son
adversaire n’avait plus d’arme, Axel lâcha la sienne pour garder un combat
d’égal à égal. Il lui sauta ensuite dessus mais le troisième se laissa tomber
en arrière pour plaquer le cinquième au sol. Le visage rouge et le regard fou
de rage, il donna de violents coups de poings dans le visage de l’adolescent,
sous les encouragements des autres garçons…
_ « Arrêtez ! Arrêtez ça tout
de suite ! » Rugit
la voix du professeur que Matthéo avait prévenu. L’homme sépara les deux
assaillants avant de leur crier dessus.
_ « Vous viendrez nettoyer la cours
demain soir ! Et vous me copierez le règlement des chevaliers en entier
pour demain ! » Tonna
l’enseignant avant de renvoyer le troisième à son collègue. Edmond lança un
regard haineux et dédaigneux à Axel, avant de repartir en marchant comme un
canard… Mais gare à celui qui oserait se moquer ! Axel quant à lui tourna
la tête pour cracher du sang au sol. Il sentait une affreuse douleur au nez et
avait mal à la mâchoire.
_ « Matthéo, emmenez le à
l’infirmerie. » ordonna
l’adulte avant de reprendre les cours en faisant signe aux spectateurs de se
remettre au travail.
Matthéo aida son
ami à se relever, puis il passa sa main autour de son épaule pour prendre la
direction d’un bâtiment proche.
_ « Aie… Est-ce que j’ai quelque
chose à l’œil ? » Demanda
Axel en enlevant la main qu’il avait gardé plaquée sur son œil jusqu’à présent.
_ « Un gros cocard ouais. » Répondit l’autre sur un ton un peu sec.
_ « J’allais quand même pas le
laisser nous insulter ! » Se
défendit l’adolescent en sentant que son ami lui en voulait.
Ce dernier ne
répondit pas, mais il n’en pensait pas moins.
_ « Il te suffisait juste d’ignorer
ses provocations, on s’en fiche de ce mec… »
_ « Ben pas moi. Je vois pas
pourquoi je devrais le laisser t’humilier, nous humilier. Ca fait mal… »
Soupirant devant
l’esprit borné de son compagnons, Matthéo préféra se taire et frappa à la porte
contenant l’écriteau ‘bureau des soins’.
…
La cloche
annonçant la fin des cours sonna enfin. Midi, Nala allait retrouver Axel et
Matthéo dans la zone verte de la cours, puis ils iraient manger ensemble à la
cantine de l’établissement. Elle sorti
la première pour tenter de semer la peste, puis marcha à vive allure pour
sortir des couloirs. Une fois dehors, elle s’avança vers les deux silhouettes
familières, Matthéo lui faisait de grands signes.
_ « Salut Matt ! Comment tu…
Axel ! » S’exclama
t-elle en s’apercevant de l’état de son ami.
_ « Ben quoi ? » Répliqua naturellement ce dernier.
Il avait un
pansement sur le nez, un bandage sur son sourcil droit et un énorme œil au
beurre noir. Avant qu’elle ne demande quoique ce soit, le jeune blond expliqua.
_ « Il s’est battu contre Edmond
tout à l’heure. »
_ « Je lui ai mis une sacré raclée
quand même ! » Ajouta
Axel sur un ton fier.
Il lança ensuite
un regard faussement à son ami lorsque ce dernier laissa échapper un ‘tu
parle’.
_ « Satlan ne va pas être content,
Julia non plus. » Déclara
l’adolescente en faisant une moue désespérée avant de soupirer.
_ « Vous devriez plutôt aller vous cacher
après l’humiliation que vous venez de vous prendre ! » Retentit une voix féminine derrière.
Clothilde les
regardait, les mains sur les hanches. À coté se trouvait Edmond, qui évitait de
marcher pour paraître ridicule, puis la bande des cinq autres garçons derrière
qui ricanaient bêtement.
_ « Ca vous dirait pas de nous
lâcher un peu ! » Cria presque Axel qui sentait à nouveau
la colère le gagner.
_ « Oh je crois qu’on l’a
vexé ! » Lâcha
Clothilde en provoquant par cette phrase l’hilarité générale dans sa bande.
Axel marcha
brusquement vers elle et s’arrêta juste devant en hésitant.
_ « Tu vas pas frapper une fille ? » Lança
t-elle sur un ton provocateur au garçon un peu penaud devant cette réplique.
_ « Moi je peux. » Déclara Nala d’un ton calme. Cette
dernière s’était vivement avancée vers la peste et, d’un geste souple, l’avait
sèchement giflé. Un long silence s’ensuivit, où tous regardaient d’un air
ahuris Nala et Clothilde. Celle-ci gardant la bouche ouverte sans comprendre ce
qui lui arrivait.
_ « Allez on y va. » Ordonna Nala en prenant la direction de
la cantine, suivie par Axel et Matthéo qui n’en revenaient toujours pas.
_ « Ouah ça c’était
beau ! » S’exclama
le blond en regardant derrière lui pour observer leur pire ennemie crier sur
ses sbires. Axel pouffa de rire mais s’arrêta aussitôt en sentant ses blessures
douloureuses. Il posa son regard sur la fille du groupe, observa un instant son
visage sérieux, puis passa une main sur ses épaules, fier d’elle.